
Publié (mise à jour) le 09/09/2025
La mobilisation historique de 2023 contre le recul de l’âge de départ à la retraite a été l’occasion pour de nombreuses et nombreux salarié·es de se mettre en grève, parfois pour la première fois.
En cette rentrée 2025, les discussions tournent surtout autour de la mobilisation des 10 septembre, d’initiative citoyenne, suivie du 18 septembre, à l’appel de l’intersyndicale. Y-a-t-il besoin d’informer l’employeur qu’on fait grève ? Le syndicat de l’entreprise doit-il faire un appel officiel à la grève ? Déposer un préavis ? Peut-on seulement débrayer quelques heures ?
Parce que faire grève n’a rien d’évident, on vous explique (presque) tout ci-dessous.
Même si le droit de grève est un droit individuel, c'est-à-dire qui appartient à chaque salarié·e, plus on est nombreux·euses dans son entreprise à se mobiliser et plus on est efficace.
Notre force c’est notre nombre, quand il est organisé !
Un droit constitutionnel
Le droit de grève est un droit constitutionnel (inscrit à l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, que reprend la Constitution de la Ve République). Il est défini comme « la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles ».
Qui peut faire grève ?
Tout le monde. Il n'est pas nécessaire d'être syndiqué.e ou élu.e du personnel.
Il suffit d’au moins 2 salariés, sauf en cas d’appel national où on peut être seul à faire grève. Il n’y a pas besoin d’être adhérent·e du syndicat qui a appelé à la grève pour se déclarer gréviste.
Dans le cas du 10 septembre 2025, la Confédération de la CGT a appelé à la grève (voir sa déclaration ici et le tract confédéral ici), ce qu’a suivi la Fédération Textile Habillement Cuir Blanchisserie avec un tract modifiable et adaptable mis à disposition ici). Ainsi, tous les salarié·es, de tout secteur professionnel, peut faire grève le 10 septembre.
Comment faire grève ?
- Y-a-t-il un préavis à respecter ?
Non. Les salariés du privé ne sont pas tenus de déposer ou respecter un préavis, sauf dans des secteurs chargés d’une mission de service public (ex : transport de voyageurs).
- Doit-on prévenir sa direction avant de faire grève ?
Non. Contrairement au secteur public, les salariés du privé n'ont pas à informer leur employeur de leur intention de faire grève. Le salarié peut cependant prévenir son employeur de son absence s'il le souhaite.
C'est à l'employeur de constater l'absence du salarié le jour de la grève et de lui demander dans les jours qui suivent les raisons de son absence. Une fois la grève commencée, le salarié doit répondre à son employeur qui lui demande de justifier son absence.
- L’employeur doit-il connaître les raisons de la grève ?
Oui. Les grévistes doivent présenter des revendications de nature professionnelle (salaire, condition de travail, défense de l’emploi ou des droits…).
Les tracts distribués et/ou le panneau d’affichage CGT constituent déjà un bon indicateur à l’employeur sur les raisons de la grève.
Mais en cas de mouvement national, ces raisons sont censées être connues de l’employeur puisque des syndicats ont déposé des préavis de grève au niveau national.
Il peut être pertinent de lier le mot d’ordre national aux revendications spécifiques à l’entreprise, notamment sur les salaires (dans le cadre des NAO par exemple).
- Y-a-t-il une durée minimale ou maximale à la grève ?
Non. La grève peut prendre la forme d’un « débrayage » (quelques heures, une demi-journée…) ou bien se poursuivre pendant une longue période (plusieurs jours ou semaines). Elle peut aussi être répétée : par exemple, un arrêt collectif et concerté du travail de quinze minutes toutes les heures pendant une semaine relève d’un exercice possible du droit de grève.
Les choix de la ou des formes prises par une grève doivent être débattus collectivement, afin de réfléchir ensemble comment avoir le plus d’impact et une participation la plus large des salarié.es.
Quels sont les effets de la grève sur le contrat de travail ?
- La retenue sur salaire peut-elle être supérieure à la durée de l’arrêt de travail ?
Non. La « retenue sur salaire » doit être strictement proportionnelle à la durée de l’arrêt du travail. Toute retenue supérieure est interdite. On perd 1 heure de salaire pour 1 heure de grève, 1 jour pour 1 journée, etc.
En pratique, une grève peut se terminer par un accord de fin de conflit qui permet parfois de négocier le paiement, l’étalement ou la compensation des jours de grève.
Les syndicats peuvent aussi mettre en place des caisses de solidarité, sans que cela ne vienne remplacer la perte de salaire…
A noter que l'exercice du droit de grève ne doit pas être mentionné sur le bulletin de paie.
- La retenue sur salaire peut-elle être supérieure à la durée de l’arrêt de travail ?
Oui. La Cour de cassation l’autorise malheureusement. Pour cela, il faut que toutes les absences soient traitées de la même façon (sauf les absences légalement assimilées à du temps de travail effectif qui ne peuvent pas avoir d’impact sur la prime : les RTT, les congés payés… énumérées à l’article L3141-5 du code du travail).
Au-delà du souci de responsabiliser et de pénaliser les salariés de leur absence (comme si c’était de leur « faute »), les primes d’assiduité font office ici de « prime anti-grève », en s’ajoutant à la perte de salaire déjà lourde pour les salarié·es.
C’est donc un argument supplémentaire pour combattre l’existence de ces primes, en revendiquant qu’elles soient converties en salaire.
A minima, il faut prévoir que la diminution de la prime d’assiduité se fasse au prorata de la durée de l’absence, pour éviter l’effet dévastateur du « tout ou rien » de certaines primes entièrement supprimées dès une absence.
- Un employeur peut-il sanctionner des salariés pour avoir fait grève ?
Non. Le code du travail est très clair : aucun salarié ne peut être sanctionné, ni faire l’objet d’une discrimination pour avoir fait grève.
Des directions cherchent parfois à sanctionner des salariés indirectement ou à retardement de l’exercice du droit de grève en s’appuyant sur un autre motif. Il faut donc être très vigilants et suivre et accompagner les salariés, avant, pendant et après la grève.
A l’inverse, il est également interdit de « récompenser » les non-grévistes en leur versant une prime.
- Un employeur peut-il sanctionner des salariés pour des faits commis pendant la grève ?
Non, sauf faute lourde. Pendant la grève, le contrat de travail est suspendu. Officiellement, vous n’êtes donc plus sous la subordination de votre employeur qui ne peut donc ni donner des ordres ni sanctionner votre comportement pendant le mouvement de grève.
Seule une « faute lourde » (par exemple le fait de participer personnellement à des actes illégaux) peut justifier un licenciement d’un salarié pour des faits commis pendant une grève.