En remontant le temps, des mouvements, des grèves, des manifestations ont lieu dans toutes les régions de France.
Parmi les plus importantes quelques-unes de ces actions :
1806 – 1810 , les chapeliers de Lyon, de Paris font grève. Quand il n’y pas de possibilité de faire grève, les compagnons mettent un patron et toute une ville à l’index.
Dès 1808, la première organisation des chapeliers de Paris est formée. Ils participent nombreux à la Commune de Paris constituée en 1864. Mais le gouvernement Thiers, avec le soutien des Prussiens, organise une répression terrible. Le 28 mai 1871, c’est l’écrasement du dernier carré des fédérés, au cimetière du Père Lachaise. Les historiens estiment entre 20.000 et 30.000 le nombre de parisiens tués, fusillés, massacrés. Parmi eux, de nombreuses femmes, des vieillards, des enfants. Parmi les victimes, on a recensé : 116 chapeliers fusillés, 326 condamnés à de lourdes peines et plus de 1.500 hommes et femmes de l’Habillement.
En 1831 , ce fut l’insurrection des Canuts Lyonnais. 60.000 en quelques jours, révoltés de la misère… Malgré son échec, elle eut une importance décisive. Le prolétariat est apparu comme une force indépendante. Ce fut la première lutte au cours de laquelle des milliers d’ouvriers ont lutté pour leurs propres objectifs, contre leurs exploitants directs.
Le 22 juin 1851, plus de 1.000 voironnais manifestent sous les fenêtres d’un négociant de la ville qui a eu l’impudence de prétendre en public qu’un ouvrier a bien assez de 51 sous par jour pour vivre. En juin 1870 , arrêt de travail des ouvrières en soie de Moirans Renage Voiron dans l’Isère. De 1880 à 1886 , le syndicat des chapeliers de Paris mène 131 grèves dont 42 dites de principe, c’est-à-dire ne posant pas seulement la rémunération des ouvriers, mais aussi le respect de leur dignité, des accords conclus et des conditions de travail. En 1880 , grève des Textiles de Reims. C’est ainsi que les travailleurs contraignirent le gouvernement à reconnaître le droit de grève en 1864 et le droit d’association en 1884. 1885 , en septembre les tailleurs de 150 maisons parisiennes cessent le travail pour les salaires, la limitation du travail à 10 heures par jour. Les patrons ripostent par un lock-out qui touche 9.000 salariés. Le travail reprendra peu à peu avec des résultats divers. En 1895 , 105 corsetières de Limoges firent grève pendant 108 jours.
En 1901 , le problème des horaires, très sensible aux femmes, les incite à réclamer la diminution de la journée de travail en même temps que l’augmentation des salaires. C’est cette double revendication qui entraîne la grande grève de la couture qui dura près de deux mois. C’est en 1901, également que 300 mégissiers de St Junien (Haute-Vienne) luttèrent pendant 3 mois.
En 1903 , les tisseurs d’Armentières et d’Houplines sortaient soudainement en masse de leurs bagnes industriels. Ils entraînent dans leur mouvement les travailleurs de la Gorgue Estaire, Frelinghien, Bailleur, La Madeleine, L’Omme, Halluin, Lille, Roubaix, Tourcoing, etc…Plus de 40.000 ouvriers Textile se trouvèrent en lutte.
1904 , grève encore plus importante, avec 80.000 grévistes à Lille, Roubaix, Tourcoing contre la diminution des salaires et pour la réduction du temps de travail.
1905 , 50.000 travailleurs de la Chaussure de Paris et 5.000 travailleurs de Limoges luttèrent par solidarité au personnel de la Maison Monteux. A cette grève, l’armée mise au service du patronat, excella dans les moyens de répression et fit plusieurs victimes. Egalement dans les Vosges, une grève eut lieu englobant plus de 4.000 ouvriers dressés contre leur salaire de famine.
De 1900 à 1910 , d’autres mouvements d’une grande ampleur eurent lieu à Lille, St Quentin, Halluin, Lyon, etc… Grèves souvent victorieuses. Grève des mineurs du Nord en 1906 Nous dénotons dans cette manifestation la présence des drapeaux rouges (c’est la Commune qui a donné à ce symbole ses lettres de noblesse), de femmes et d’enfants.
1906 est en effet une grande année de grèves : le 1er mai, il y a près d’un gréviste pour 16 ouvriers 1906 , l’année s’ouvre sur la décision de la C.G.T. d’une grande campagne pour les 8 heures qui sera la revendication du 1er mai (plus de 400.000 grévistes en France ce jour-là). A Fougère , grève de 98 jours dans la Chaussure pour les 2 centimes (à l’époque il y avait 8.000 salariés pour 30 patrons). Il y eut un mort parmi les grévistes. A Lyon , les ouvrières en confection font grève pour « la semaine anglaise » et obtiennent de finir le travail à 16h00 au lieu de 19h00 le samedi. A Voiron (Isère) commence le 20 février 1906 dans deux entreprises Textiles un mouvement de grève générale. Après une semaine d’arrêt, sans succès, le licenciement d’une déléguée est prononcé. La grève reprend début mars. Devant les positions intransigeantes du patronat, le mouvement gagne d’autres usines. Il devient général et, au mois d’avril, Voiron compte plus de 4.000 grévistes. Le dispositif de répression mis en place est renforcé : - 400 cavaliers, - 3 bataillons d’infanterie. Un homme armé pour deux grévistes ! Des militants syndicalistes sont arrêtés et emprisonnés. C’est dans ce climat de lutte que s’inscrira le 1er mai 1906 à Voiron. Le travail reprendra le 19 juin par une Victoire, les salaires sont augmentés ! Les patrons sauront désormais qu’ils doivent compter avec les syndicats…
Sur le plan national, il faudra attendre le 23 avril 1919 pour obtenir satisfaction sur la journée de 8 heures de travail. Mais en 1906, le gouvernement fut obligé de rendre obligatoire le repos hebdomadaire par une loi du 19 juillet 1906.
1909, la grève des boutonniers de l’Oise qui dura 3 mois Le 20 novembre, la Vie Ouvrière rend compte d’une grève qui va durer trois mois, il y aura d’autres articles dans les numéros suivants. Cela commence très poétiquement. « Les boutons que vous portez, boutons blancs de vos chemises, boutons de couleur de vos vêtements, vous êtes-vous demandés, camarades, d’où ils venaient, quels travailleurs les avaient façonnés ? ». Mais cela se poursuit sur le mode plus grave. « Peut-être le savez-vous depuis notre grande grève de février, mars, avril derniers. Les journaux ont parlé beaucoup des boutonniers, parce que sur le passage de nos cortèges de grévistes, quelques vitres de demeures patronales ont été brisées. Mais les journaux n’ont pas parlé des existences que le métier a brisées et brise sans arrêt parmi nous. Ces dégâts-là, pourtant, sont autrement importants ! ». Et le rédacteur, J.B. Plater, de commencer une explication de la fabrication des boutons dans quelques dizaines de fabriques de l’Oise et des départements voisins. « A 35 ans, tous les ouvriers sont asthmatiques en raison de la poussière qu’ils respirent pendant le travail ». Le numéro suivant rend compte de la grève sur le mode du reportage vivant. « La belle journée que celle du 14 avril !…. Tous les boutonniers ont quitté les usines, tous les tabletiers, tous les autres corps de métiers : maçons, charpentiers, mécaniciens, etc. On sent la puissance de la solidarité. En des journées comme celle-là, on vit doublement. ». 1909 – 1910 – 1911 – Commencée le 12 janvier 1909 par les 2.000 ouvriers et ouvrières du délainage de Mazamet, la grève se terminait victorieusement le 11 mai 1909. Du 7 décembre 1909 au 2 mai 1910 à Graulhet, 1.800 ouvriers moutonniers durent soutenir la lutte malgré la répression qui s’abattait sur leurs militants.
En 1910 , éclatent de multiples grèves dans l’Habillement, tant à Paris, qu’en Province qui entraînent une majorité de femmes. A Lyon, du 10 août au 15 novembre 1911 ce furent 1.500 travailleurs de la Chaussure qui participèrent à un conflit. A Roanne, les tanneurs tinrent tête au patronat pendant près de six mois.
1913 – 1914 – A Millau, pendant 2 mois, à Paris, les selliers pendant 6 mois et à Fougères pendant 54 jours, près de 8.000 ouvriers et ouvrières de la Ganterie, de la Sellerie et de la Chaussure se trouvèrent en conflit à la même époque pour obtenir leurs revendications. Au cours de ces trois conflits, une grande solidarité financière s’affirma efficacement. Pendant la guerre, les conflits furent moins nombreux et de plus courte durée.
"Et on s’en fout On fera la semaine anglaise Et on s’en fout On aura nos vingt sous" Grève des Midinettes 1917
En 1917 , citons cependant une grève historique, celle des Midinettes. Le mécontentement grandit en France et ce sont les midinettes de Paris qui se mettent en grève. Elles quittent le travail en mai, atelier par atelier, manifestent par milliers sur les grands boulevards, la rue de la Paix, Faubourg St Honoré, place de l’Opéra Une chanson est improvisée : « Et on s’en fout On fera la semaine anglaise Et on s’en fout On aura nos vingt sous… » Et ce cri là aussi : « Vive la Paix, rendez-nous nos poilus ». Mais laissons la parole à Alice BRISSET (qui devint Secrétaire Générale de la Fédération de l’Habillement) :
" Il faut savoir ce qu’était la condition des ouvrières à cette époque. A Paris (on en fait une légende, mais c’était la poignante réalité), les midinettes déjeunaient d’un croissant, la protection de la maternité était absente. Les bébés mourraient en bas âge. La durée du travail n’avaient pas de limite : la "première" faisait irruption dans l’atelier « Mesdames, vous travaillerez ce soir, la cliente veut sa robe, il faut essayer demain matin ». Il n’était pas question de payer des heures supplémentaires, ni même d’être nourries. Il a fallu des années pour obtenir que, pendant les collections, nous puissions avoir un casse-croûte après huit heures du soir. La fatigue mettait les nerfs à fleur de peau et, en plus, il y avait l’angoisse dans tous les cœurs. Paris offrait le double spectacle de la disette (cartes de pain, cartes de sucre) et du luxe, de la débauche. Les midinettes étaient directement confrontées à ce contraste révoltant. Je me rappelle être allée faire une livraison dans un grand hôtel des Champs Elysées où une p… de haut vol, vautrée dans des draps de crêpe de chine, m’avait reçue avec un mépris qui m’avait indignée. Les femmes des profiteurs, des nouveaux riches, étaient aussi des clientes exigeantes et capricieuses. Toute cette misère, cette angoisse, cette colère accumulées ont fait éclater la grève comme un coup de tonnerre. C’était ma première grève, mon premier grand choc de jeunesse, je peux dire que j’ai connu ce qu’était, en pleine guerre, la capitale en colère. Nous allions faire "dégrèver" les maisons de couture en montant dans les ateliers. Cela a été comme une lame de fond, tout ce qui couvait en dessous est monté à la surface. Et puis, le pavé de Paris a toujours été un peu le domaine des midinettes. Dans les jours les plus heureux, nous l’arpentions en chantant, pour la Sainte Catherine. Mais là, la rue nous appartenait malgré la police, pour clamer nos revendications. Notre mouvement atteignait un niveau dont nous ignorions même la portée. Notre audace était inouïe. Lors d’une délégation aux pouvoirs publics, le Ministre de l’Intérieur nous dit « Vous démoralisez les soldats, vous risquez qu’on vous fusille. » «Et bien qu’on nous fusille, avons-nous répondu ! » Clémenceau, Président du Conseil, s’indignait : « Je n’ai jamais vu ça ! ». Notre mouvement devient très vite populaire, car notre colère et notre angoisse étaient dans le cœur de tout le monde. Nous avions la solidarité de toutes les usines d’armement. Le gouvernement qui redoutait vraiment l’extension de la grève et la démoralisation de l’armée, décida de céder. En une semaine, nous emportions la victoire : nous avions nos vingt sous d’augmentation et la semaine anglaise ». « Le mouvement avait gagné des professions voisines : des ouvrières en confection, notamment celles de l’Intendance belge (repliée en France, la Belgique étant presque totalement occupée), les ouvrières en bretelles et ceintures, les corsetières… »
En province, grève à Marseille dans la confection et là aussi, succès complet : les vingt sous, la semaine anglaise et la suppression des veillées.
1919 – L’action continue. A nouveau, les midinettes sont en grève pour les 8 heures. Les 2.500 chapeliers de Paris également, qui obtiennent en juin une convention collective très favorable. La loi sur la journée de 8 heures a été votée par le Parlement, mais son application est subordonnée à la prise de décrets qui tardent longtemps à paraître. Cependant, les midinettes l’obtiennent grâce à leur action opiniâtre.
C’est en 1919 , également que 25.000 travailleurs du Textile de la région de Rouen soutiennent une grève difficile pour le relèvement des bas salaires. Ce mouvement n’aboutit que partiellement.
1921 – Du mois d’août au mois de novembre de 60.000 à 100.000 grévistes dans le Nord. 22.000 dans les Vosges pendant un mois. Actions victorieuses des bonnetiers de Troyes et Romilly.
1922 – Après la première scission syndicale de décembre 1921, quelques militants discutèrent et décidèrent de la constitution d’une Fédération unitaire du Textile de France adhérente à la CGTU. Elle fut définitivement constituée au Congrès de Lyon en juin 1922. Cette année là à Fougères, il y eu 215 jours de grève dans la Chaussure.
1923 – En avril, grève de 10.000 travailleurs du Textile à Lille, Hazebrouck, La Gorgue et Estaire. Grève de 92 jours chez les Cordonniers d’Ernée et 112 jours les Tanneurs d’Annonay.
1924 – Grèves puissantes à Dunkerque, à Mazamet où le conflit dura 70 jours.
1925 – Les Fourreurs de la région Parisienne mènent une grande action.
1928 – Grève des 120.000 textiles à Roubaix, Tourcoing pendant 4 mois contre les diminutions de salaire. Grève des ouvriers de la Couverture de Cours (Rhône).
1932 – 215 jours de grève dans la Chaussure à Fougère. Grève historique des ouvriers de la Laine cardée du Centre de Vienne (Isère) sous la direction de T. Richetta (Secrétaire Général de la Fédération CGTU de 1921 à 1935).
1933 – Grève des textiles d’Armentières d’Houplines contre les 4 métiers.
1934 – Participation des ouvriers et ouvrières du Textile, de l’Habillement et des Cuirs à la lutte antifasciste les 9 – 12 février à l’appel de la CGTU et de la CGT. Grève dans la confection à Nîmes. Grève des ouvriers du coton de Roanne, Thisy contre les 4 métiers. Grève des Teinturiers du trust Gillet à Lyon, Villeurbanne et dans la région stéphanoise. Grève à Voiron chez JB Martin à Paviot. Revendications des ouvrières de l’usine lors des grèves de mars 1934 : - Conduite d’un seul métier, aucune pression sur les ouvrières pour en conduire deux et aucun renvoi pour celles qui refuseraient de les conduire. - Maintien du salaire payé avant la grève. - Suppression des équipes. - Paiement du temps perdu de l’ouvrière quand elle va à la visite. - Ne plus enlever les primes de bon travail quand les défauts n’incombent pas à l’ouvrière. - Paiement des cantres aux façonneuses. - Indemnités pour l’essuyage du métier et pour l’usure des vêtements. - Pour les dévideuses et les ourdisseuses rétablissement de leur ancien tarif avant leur dernière diminution. - Hygiène dans l’usine : balayage 2 fois par semaine, nettoyage des water-closets tous les jours. - Aucun renvoi pour fait de grève. Droit syndical absolu aux ouvrières. - Que la justice règne dans l’usine, que toutes les ouvrières fassent les mêmes heures de travail, soit 48 heures. - Signature d’un contrat collectif.
1935 – 3.000 grévistes à Héricourt (Haute Saône), Bethoncourt (Doubs). Nouvelle grève des Teinturiers dans la région lyonnaise, ainsi que dans la confection. Grande grève des « midinettes » et signature d’un accord collectif.
Fin 1935, début 1936 – Grève des travailleurs de la viscose de Vaulx en Velin pendant 6 semaines contre le licenciement de 145 travailleurs immigrés. Grève qui se termina par un succès : - aucun licenciement, - augmentation de 0,25 pour l’ensemble du personnel, - du lait pour le personnel travaillant en filature, des vêtements de travail… Avec le renforcement des syndicats au travers des actions d’envergure et d’une multitude d’actions partielles, la volonté d’union s’exprimât avec une puissance grandissante qui devait vite devenir irrésistible. Témoignages après 1936 Un costume marron, avec des rayures noires La vallée de la Nièvre, près d’Abbeville, s’appelait aussi la « Vallée de la Misère ». Ici, les frères Saint régnaient en seigneurs tout puissants. Dans leur fabrique de sacs de jute, on travaillait du lundi matin au samedi soir, du début janvier à la fin décembre. L’âge des ouvriers et des ouvrières s’échelonnait entre onze et quatre-vingts ans… on travaillait jusqu’à la mort, pour des salaires incroyablement bas. Et lorsqu’on ne travaillait pas, c’est que le chômage sévissait. Juste avant 36, mon père et moi, on rapportait des quinzaines qui ne dépassaient pas 300 F à nous deux. C’est ici au Moulin Bleu, que la popote avec les légumes que les grévistes et les voisins apportaient de leur jardin… et puis ce fut la victoire. Avant les grèves, je gagnais 87 F par quinzaine. Ma première paye, après la grève, s’est élevée à 365 F pour la même période. Je n’en croyais pas mes yeux. J’ai relu et recompté plusieurs fois. Ici, la misère était telle que les gens avaient à peine de quoi manger. Inutile de dire que personne, dans les cités n’avait de costume. Les augmentations de salaires ont permis de réaliser ce rêve : s’acheter un costume. Les gens partaient en train, à Amiens, pour s’habiller. On avait dit que, là-bas, on pouvait avoir un costume neuf pour 150 ou 200 F. C’était vrai, un magasin vendait des complets à ce prix là. Mais il n’y avait pas beaucoup de choix. Je me souviens, les mois qui ont suivi les grèves, presque tous les hommes de la Cité avaient le même complet, marron avec des rayures noires. C’est à cette époque aussi que j’ai acheté ma première bicyclette. Je l’avais payée 45 F. Joseph Daussy. Le régime des « infusions de portails » Fenestrier, c’était, avec ses 800 travailleurs, la plus grosse usine de chaussures de Romans. Nous vendions sous la marque « Unic ». Une véritable institution, quelque chose comme Schneider au Creusot. Le grand-père Fenestrier, c’était le seigneur, et je me souviens du temps où il venait à cheval le matin surveiller l’entrée de « ses » ouvriers dans « son » usine. Cela te montre l’atmosphère de l’usine. Avant 36, celui qui s’avisait de militer au syndicat pouvait se préparer à avaler une « infusion de portails », comme nous disions. Quand nous avons revendiqué les congés payés, beaucoup de camarades ont eu du mal à y croire. Car, mis à part Noël, la Pentecôte et l’Ascension, qui d’ailleurs n’étaient pas payés, il n’y avait jamais d’arrêt. Tu imagines alors, quand nous avons obtenu les 40 heures et nos quinze jours de congés, quelle fête ! Nous avons dansé, défilé dans la ville et certains portaient une chaise longue sur l’épaule. Marcel Armand. Nos succès écrits noir sur blanc Je n’étais déjà plus une jeunesse en 1936. J’avais 40 ans, habitais Lyon et avait déjà connu la mise à la porte pour activité syndicale. J’avais retrouvé une place, dans la confection pour dames, chez Jalon. Nous occupions les ateliers et comme le patron a voulu voir de près ce qui se passait, nous l’avons enfermé avec nous. On l’a mis à part et il dormait la nuit sur des coupons de tissus. Cela, c’est l’anecdote, mais l’important est ce contrat collectif que nous avons fait signer à la Chambre syndicale patronale. Enfin, nos succès étaient écrits noir sur blanc. Sans parler du nouveau barème des salaires qui fixait des tarifs minimums par catégorie, l’article le plus appréciable fut celui des « vacances payées » ! Imagines que, quelques années auparavant, nous avions dû lutter dans notre branche pour obtenir que le samedi après-midi soit libre. Mais, partout, les discussions furent serrées et, bien des fois, il a fallu refaire grève pour contraindre les patrons à signer. Clotilde DEMURGER