« La bataille menée par la CGT pour l’évolution de nos productions, contre la sous-traitance et pour nos salaires ne se fera pas sans les salariés »

De gauche à droite sur la photo : Thomas VACHERON (secrétaire fédéral, membre du bureau confédéral), Audrey ROUGANNE (HERMES SAYAT), Bernadette PESSEMESSE, Nicolas CALLENS (HEXCEL), Boujemaa CHIGRI (PEAUDOUCE), Elodie DUPUIS (ARCO), Mohamed BIRECHE (INITIAL), Claire PERREIRA (UL Châtellerault), Maurad RABHI (sécrétaire général), Isabelle NOCUS (DEVANLAY LACOSTE) :

Publié le 26/04/2023

[Congrès confédéral CGT du 27 au 31 mars 2023 à Clermont-Ferrand] Intervention de Bernadette PESSEMESSE, ancienne Déléguée Syndicale du textile yssingelais en Haute-Loire, figure emblématique de la lutte gagnante des Lejaby.

"Je travaille depuis l’âge de 18 ans dans le textile, puis dans l’habillement et après avoir été licenciée dans le cuir avant de faire valoir mes droits à ma retraite.

Une lutte majoritaire pour la reprise de l’usine : 180 emplois créés !

Suite au choc de la fermeture de notre usine et accompagnés par la CGT nous avons fait grève et occupé nos ateliers pour sauver nos emplois. Ce combat syndical a permis de déjouer tous les pronostics y compris de ceux qui veulent transformer nos usines en supermarché ou en musée ! Nous étions 90 femmes et 3 hommes à travailler dans l’habillement et cette bataille majoritaire contre les licenciements a permis que l’usine soit reprise par un sous-traitant Vuitton et de créer 180 emplois !

Durant toute ma vie d’ouvrière on nous a dit systématiquement que nous n’étions pas assez rentables. Pourtant quand on fabriquait des soutiens-gorges pour Lejaby, les prix aux consommateurs étaient toujours aussi élevés, et pourtant ils ont délocalisé aux 4 coins du monde juste pour que les grandes marques françaises augmentent encore plus leurs profits. On travaillait toujours plus, mais on nous licenciait quand même car la concurrence entre les travailleurs des différents pays, organisée par le patronat, était la règle.

96% de nos vêtements sont importés de pays sans droit du travail

Aujourd’hui le discours a changé, et tout le monde, pour des raisons sociales et environnementales, a le mot « relocalisation des productions » à la bouche. La population accepte de moins en moins que 96 % de nos vêtements soient importés à partir de pays où le droit du travail n’existe pas, où les femmes n’ont aucun droit et parfois où le travail des enfants est autorisé ! Il apparaît aberrant à de plus en plus de gens que nos habits fassent le tour de la planète en cargo ou en camion, avant de s’entasser dans nos armoires.

Oui, pour nos emplois et pour la planète il faut relocaliser les industries

Nous sommes évidemment solidaires des luttes des travailleurs avec leurs syndicats au Bengladesh, en Inde ou au Maroc et nous n’acceptons pas que les mêmes qui nous licencient ici, aillent sous-traiter et polluer là-bas. Oui, pour nos emplois et pour la planète il faut relocaliser les industries. Mais la réalité c’est qu’il y a encore des fermetures d’usines ici et surtout beaucoup de communications sur les relocalisations sans que cela ne créent réellement des emplois. Ça suffit ! Il faut urgemment contrôler et conditionner les aides publiques à la réindustrialisation et à la régulation de la sous-traitance, mais aussi obliger les élus à mettre des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics.

Anticiper les évolutions de production dans le plastique pétrolier

Mais je le dis ici, dans mon département de Haute Loire comme dans d’autres, à la fois rural et industriel, nous avons été confrontés aux fermetures d’usines et aux licenciements, ce qui laisse des territoires sinistrés socialement. Aujourd’hui nous avons par exemple des milliers d’emplois dans le textile plastique. La nécessité de limiter les pollutions du plastique pétrolier va entrainer des évolutions de nos productions qui doivent être anticipées car nous n’accepterons jamais d’être licenciés pour des choix industriels ou financiers. Il existe des pistes alternatives pour maintenir nos usines et nos emplois, en travaillant sur des mixtes de production, avec des plastiques pétroliers, recyclés, régénérés ou biodégradables… pour diminuer l’impact environnemental.

C’est à l’intérieur de nos entreprises qu’il faut livrer bataille

Cette bataille pour l’évolution de nos productions, c’est comme pour les luttes contre la sous-traitance et nos salaires, ce ne pourra pas se faire de l’extérieur de nos entreprises et surtout elle ne se fera pas sans les salariés. La CGT a là aussi un rôle central, il faut qu’elle soit à la hauteur de l’enjeu.

Crédit photo : Bapoushoo


Source  : Journal du THCB avril 2023 


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